Jaques Reverdin, la première greffe de peau ou la genèse d’une découverte médicale
Pour rendre l’histoire de la greffe de peau et de son inventeur plus vivante, ce livre se présente sous forme d’entretiens réalisés en 1922 entre Edouard Chapuisat, alors directeur du Journal de Genève et Jaques Reverdin âgé de 80 ans. Ces entretiens illustrent de manière générale le processus d’innovation en médecine. En effet, aujourd’hui, des millions de personnes brûlées ou accidentées doivent leur guérison et parfois leur survie aux greffes de peau. Le genevois Jaques Reverdin est considéré comme l’inventeur de cette méthode chirurgicale en 1869. Ce livre retrace la genèse de cette découverte et son impact sur la médecine et la société en s’appuyant sur les sources scientifiques et littéraires de l’époque.
Commander à Edilivre, 2014. 171 pages. ISBN 978-2-332-78194-9
Extrait de l’Introduction
En dehors des questions liées spécifiquement aux greffes, la découverte et les travaux de Reverdin sont particulièrement intéressants dans le contexte de la recherche en biologie ainsi que des différences entre des chercheurs « professionnels », pour qui le but est la compréhension de la nature, et des « hommes de terrain », qui veulent trouver une solution à un problème bien spécifique. En effet, dans les deux cas, l’expérimentation peut conduire à des découvertes parfois inattendues, mais aussi à des échecs ou à des résultats négatifs. La tentation est alors grande (volontairement ou involontairement) de modifier, d’enjoliver, de regrouper les résultats qui n’avaient pas donné les conclusions attendues. Les expériences de greffes de peau n’ont pas échappé à ce genre de biais, allant même jusqu’à la fraude avérée comme ce fut le cas de l’affaire Summerlin en 1973, où le chercheur a volontairement repeint des greffons de souris noires sur des blanches. Il ne fait également aucun doute que, quelle que soit la nature des recherches théoriques ou appliquées, elles sont liées à des facteurs historiques, sociétaux, politiques, économiques, artistiques ou littéraires.
Revue de presse, émissions radio
« En 1869, le Genevois Jaques Reverdin a 28 ans. Il n’a pas encore son titre de docteur en médicine et pourtant il réussit la première greffe de peau. Sa découverte provoque à Paris l’incrédulité des grands spécialistes, mais le médecin persiste et parvient à imposer sa découverte. C’est cette aventure scientifique que retrace dans un ouvrage le chirurgien genevois Denys Montandon. Il lui donne la forme d’une série de dialogues entre Jaques Reverdin et le rédacteur en chef du Journal de Genève Edouard Chapuisat. Des entretiens sensés se dérouler en 1922. Cette technique narrative permet de donner de la vie à l’exposé, tandis que la date choisie fournit le recul nécessaire à Jaques Reverdin pour mesurer l’impacte de sa découverte. Si les citations de nombreuses sources donnent un côté artificiel à ces entretiens, il reste que ce livre fourmille d’informations historiques inconnues du grand public. C’est ainsi que sont évoquées les grandes avancées de la médicine à la fin du XIXe siècle et la place importante de Genève dans l’histoire des sciences« .
Justin FAVROD, Passé Simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, février 2015.
« Après avoir abordé la chirurgie au Moyen Age avec son ouvrage « Moi, Pierre Franco, Maistre chirurgien», Denys Montandon poursuivant son travail d’historien, nous offre maintenant un excellent livre sur la chirurgie au 19e et à l’aube du 20e siècle : « Jaques REVERDIN, la première greffe de peau ou la genèse d’une découverte médicale. »
Usant du procédé de l’entretien fictif, il imagine l’interview en 1922 du grand chirurgien genevois alors âgé de 80 ans, par un écrivain et homme politique de l’époque : le Directeur du « Journal de Genève », Edouard Chapuisat.
On apprend ainsi que sa famille de confession protestante, originaire du Dauphiné, avait émigré très tôt (1709) à Genève; après la révocation de l’Edit de Nantes ; très jeune ,il se passionne pour les sciences naturelles et les travaux de Charles Bonnet auteur d’un traité d’insectologie ;à l’âge de 20 ans ,il part à Paris entreprendre des études de médecine (il n’y a pas de faculté de médecine alors à Genève);Interne à l’hôpital Necker dans le service du Pr Félix Guyon, urologue et créateur de la spécialité ,sa notoriété dans le monde médical reste attachée à sa communication à la Société de Chirurgie en Décembre 1869 sur la greffe épidermique, première greffe cutanée décrite; mais il s’apercevra très vite que ,c’est en réalité une greffe dermo épidermique :c’est à partir de cette expérience ,cependant, que plusieurs techniques vont voir le jour grâce aux travaux de Thiersch ,Wolfe ,Krause (peau totale)
Reverdin vivra à Paris 10 ans et notamment pendant la grande guerre de 1870 et la Commune en 1871, où il se perfectionne dans les plaies de guerre au contact des chirurgiens militaires, comme Félix Hippolyte Larrey, élève de Dominique Larrey et Pierre François Percy.
C’est en 1874 qu’il revient en Suisse, comme chirurgien chef de l’hôpital de Genève ,puis il est nommé Professeur de pathologie externe et de médecine opératoire en 1876 .Il continue de s’intéresser à la cicatrisation ,mais également à la chirurgie des goitres et au myxœdème post opératoire (à l’origine d’une controverse avec Kocher pour la primauté de la description originelle) .Il participe activement à la Conférence de Genève de la Croix -Rouge en 1906 en insistant sur le respect de la Convention et le respect aux militaires blessés. Une ingénieuse invention à son actif : l’aiguille à chas mobile que les plus vieux d’entre nous ont connu avant l’ère des aiguilles serties.
Mais bien plus qu’une simple biographie, c’est une véritable fresque de la médecine, de la biologie et de la chirurgie du XIXe siècle que l’auteur nous apporte ; avec la découverte de l’anesthésie au chloroforme en 1846, l’introduction des méthodes physiologiques et de la médecine expérimentale (Claude Bernard, Alexis Carrel) , les découvertes de Semmelweis, Pasteur et la faillite de la génération spontanée, de Lister et l’antisepsie, les avancées de la microbiologie expliquent la révolution chirurgicale du 19e siècle. On y retrouve plusieurs de ses contemporains : tels Just Lucas Championniere, camarade d’internat, Léon Daudet chirurgien avant d’être polémiste, Péan et ses démonstrations publiques; et un autre genevois humaniste non médecin fondateur de la Croix Rouge, Henry Dunant.
Sont rapportées aussi ses opinions sur l’innovation qu’il encourage en conseillant les publications précoces, sur la fraude scientifique qu’il condamne formellement (Kammerer et ses crapauds accoucheurs, Voronof et ses greffes testiculaires, Doyen et ses greffes de cellules cancéreuses, Halsted et ses opérations trop mutilantes pour des résultats discutables).
Son intérêt pour la littérature, la philosophie et même la théologie, est incontestable, comme la défense des libertés individuelles et son rejet des théories eugénistes de Carl Vogt, qu’il découvre raciste et misogyne ; signalons enfin sa complicité avec son cousin Auguste, chirurgien de talent, connu aussi pour avoir réalisé l’autopsie de Sissi, Impératrice d’Autriche- Hongrie assassinée à Genève en Septembre 1885(plaie du péricarde et du ventricule gauche). Jaques Reverdin était un sage : il prend sa retraite à 68 ans et se consacre à sa passion de jeunesse : l’étude des lépidoptères à savoir les papillons, et les chenilles.
Nous recommandons cet ouvrage extrêmement riche en informations, détails et anecdotes non seulement aux chirurgiens généraux, et aux chirurgiens plasticiens, mais aussi aux médecins intéressés par l’histoire de la médecine. Le Dictionnaire des noms propres avec dates, judicieusement placé par l’auteur à la fin de son texte, permet d’aider le lecteur à intégrer un nécessaire suivi chronologique« .
Pr Michel COSTAGLIOLA
à paraître dans Annales de Chirurgie Plastique.
Emission Radio
RTS la 1ère : « CQFD », 6 novembre 2014 de 10 à 11h.